LES BASES : anatomie, tessiture, doubles cordes, accords et vélocité

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ANATOMIE D’UN VIOLON


Je me suis dit qu’il ne serait peut-être pas complètement inutile de repasser avec vous quelques notions de base. Après tout, le violon peut-être un instrument tout à fait étranger pour certains d’entre vous, et je me suis rendue compte lors de mes échanges avec les compositeurs que certaines choses qui me semblaient tout à fait évidentes ne l’étaient pas forcément pour eux.

Commençons donc par un peu de géographie, avec les différentes parties du violon :

Jetons également un coup d’œil sur l’archet :

Un grand merci à mon merveilleux luthier, Pierre Caradot, pour son aide dans les traductions anglaise de ces termes.

Quelques termes basiques (en schématisant un peu, j’y reviendrai plus tard) :

  • Tirer, c’est aller du talon à la pointe ;
  • Pousser, c’est aller de la pointe au talon ;
  • Détaché, c’est jouer une note par coup d’archet (quel que soit la longueur) en gardant la mèche sur la corde ;
  • Piqué ou spiccato, c’est la même chose en enlevant la mèche de la corde entre chaque note, avec un rendu de note très court.
  • Lié, ou legato, c’est de jouer plusieurs notes dans le même coup d’archet.

Vous voilà orientés. Je n’ai bien entendu pas inscrit toutes les parties du violon et de l’archet, car il ne s’agit pas ici d’un cours de lutherie (j’en serais bien incapable !), mais avec cela vous avez tout ce qu’il vous faut pour comprendre les techniques de bases et vous aventurer dans les techniques plus récentes, les bruits blancs, les saturations… (on en reparlera plus tard, c’est promis !)

TESSITURE DU VIOLON


La tessiture générale, du sol à vide à la dernière note sur la touche sur la corde de mi :

Examinons maintenant plus en détail la tessiture de la corde de sol. J’y ai indiqué les positions : il s’agit du nombre de notes jouables sans démancher, c’est à dire sans bouger la main gauche le long du manche. Chaque position sur une corde couvre une quarte environ : et oui, à la main gauche au violon, vu que le pouce est positionné de l’autre côté du manche pour assurer la stabilité de la main, on n’utilise que 4 doigts ! Schubert l’oubliait toujours. Par conséquent, contrairement au piano, on nomme l’index premier doigt, le majeur deuxième, l’annulaire le troisième et l’auriculaire le quatrième. Ça ne vous semble peut-être pas très utile de savoir cela, mais ce sera nécessaire pour comprendre quelles notes vous pouvez associer dans un accord.

On retrouve la même chose, bien sûr, sur les trois autres cordes, à chaque fois à une quinte supérieure.

Comme vous le savez peut-être — surtout si vous avez lu mon article sur les micro-intervalles —, plus vous montez en position vers le haut de la corde, plus la distance entre les tons se raccourcit. Autrement dit, aucun ton sur une même corde ne mesure la même distance. En première position, un ton mesure 32mm et tout au bout de la touche, 4mm.

Arrivé en bout de manche, donc en 5ème position, le pouce se loge contre le pied du manche et reste à la même place jusqu’à la 10ème position ou plus : cela varie selon la corde et la taille de la main du violoniste (et plus particulièrement la distance entre le bout de son pouce et le bout de son index).

Arrivé au bout de la distance possible entre le pouce et l’index, il glisse le long du corps du violon et vient, pour les toutes dernières notes, se placer contre la touche.

De plus, la corde est tendue entre le sillet, d’une hauteur de 1mm, et le chevalet, posé sur la table qui mesure environ 25mm de hauteur. La distance entre la corde et la touche varie donc de moins de 1mm en première position, jusque 7mm en fin de touche (ces mesures varient d’un violon à l’autre et d’une corde à l’autre, car le chevalet n’est ni plat, ni symétrique !). Cela peut paraître minime, mais il faut de ce fait beaucoup plus de force pour presser le doigt sur la corde en haut des cordes qu’en bas.

Pour ces trois raisons :

  • distance des tons plus petite
  • position du pouce moins stable
  • hauteur entre la corde et la touche plus importante

on ne sera JAMAIS aussi précis et véloce en fin de touche qu’ailleurs.

A cela s’ajoute l’influence que la longueur de corde jouée (la distance entre le doigt posé sur la touche et le chevalet) a sur la qualité de son que vous allez obtenir : plus cette longueur est petite (plus votre doigt est posé haut sur la touche), plus le son va être « étranglé », surtout en allant vers des nuances fortes.

(Mais je ne dis pas que ça ne peut pas être intéressant comme résultat sonore !)

Vous avez peut-être remarqué que je n’ai parlé jusqu’ici que des notes présentes sur la touche, et vous vous demandez probablement, intrépides compositeurs, que se passe-t-il après ???

Eh bien, oui, naturellement, il est possible de jouer au-delà de la touche.

Mais comme vous vous en doutez, les difficultés rencontrées en fin de touche sont bien sûr toujours présentes au-delà : les tons deviennent de plus en plus petits (vous vous souvenez qu’en toute fin de touche la distance d’un ton est d’environ 4mm et que mon index — plutôt fin — a une profondeur de 8mm) et la longueur de corde devient minuscule (le son s’étrangle). Il devient difficile de jouer fort, car une pression normale de l’archet à cet endroit crée très vite une saturation : la résultante est bien souvent un mélange de hauteur de note et de grincement.

Et puis sur la corde de mi, on atteint une tessiture si élevée, que cela devient très difficile d’entendre des hauteurs de notes précises (à moins d’avoir l’ouïe d’un chien !!!)

Pour ces raisons, la plupart du temps cette partie de la corde entre la fin de la touche et le chevalet est plutôt utilisée pour des harmoniques naturelles, ou bien des notes « non déterminées/le plus haut possible », notées avec une flèche (un triangle) vers le haut.

Quand vous utilisez cette notation, faites bien attention de mettre la note très haut au-dessus de la portée, car quand elle est notée comme cela :

Je sais pas vous, mais moi j’ai tendance à vouloir jouer un si.

Je préfère cela :

ou même cela :

Aucun doute à la lecture : interprète précis : compositeur content.

A cela s’ajoute le fait que cette partie de la corde est couverte de colophane (c’est à cet endroit que l’on passe l’archet qui en est recouvert !) et par conséquent, nos doigts s’en recouvrent à leur tour.

Et la colophane, ça colle.

Beaucoup.

Du coup, quand vous revenez à une position plus basse, vos doigts collent, et les démanchés (le passage d’une position à une autre) deviennent extrêmement problématiques.

Donc n’en abusez pas, et pensez à aménager un petit silence pour permettre à votre interprète de s’essuyer la main (avec une petite serviette noire qu’il aura pris soin de placer à proximité !). Sachez également qu’il est possible d’obtenir une résultante sonore assez similaire en passant l’archet derrière le chevalet (entre le chevalet et le cordier) : la taille de la corde est plus ou moins la même qu’entre la fin de la touche et le chevalet, et on évite le désagrément de la colophane sur les doigts, ce qui peut être pratique en cas de note « non déterminée/le plus haut possible » isolée.

DOUBLES CORDES 


Tous les intervalles sont réalisables en doubles notes au violon, de l’unisson à la dixième. On les appelle doubles cordes.

Toutefois, par le jeu des cordes à vide accordées à la quinte, toutes ne sont pas réalisables dans le bas de la tessiture.

Je m’explique :

Le premier unisson réalisable est ré/ré. De sol à do les notes ne sont disponibles que sur la corde de sol, et donc pas moyen d’en jouer deux ensembles !

La première seconde :

La première tierce :

La première quarte :

Ensuite, à partir de la quinte, tout est réalisable dès le sol grave :

On peut imaginer des intervalles plus grands que la dixième dans le haut de la tessiture, car, comme je l’ai dit au début de cet article, plus on se rapproche de la fin de la touche, plus la distance entre les tons se raccourcit ! Et enfin, si une des deux notes est réalisée avec une des cordes à vide, la palette d’intervalles n’est plus limitée par la souplesse de la main et vous pouvez imaginer y ajouter toute la tessiture des cordes adjacentes.

les intervalles suivants sont donc réalisables, ceux-ci car une des notes est une corde à vide :

Et celui-là car on est dans le haut de la tessiture des cordes de la et de mi :

Pour finir sur ce sujet, sachez également que les premiers unissons et dixièmes en première position sans cordes à vide sont très grands, et que toutes les mains ne sont pas en mesure de les réaliser.

(disons que ça demande une sacrée séance de stretching !)

Soyez donc indulgents avec ceux-là !

LES ACCORDS DE TROIS ET QUATRE SONS


Il est difficile de vous expliquer exactement quelles notes vous pouvez associer dans un accord, tant les cas de figures sont nombreux ! Néanmoins, j’ai essayé d’imaginer un tableau pour vous aider, et vous donner une base de travail.

Chaque note de chaque corde est écrite, et les positions sont indiquées au-dessus, de la première à la 17ème, un peu comme si vous regardiez par au-dessus la touche d’un violon avec la volute à gauche.

Voilà ce que ça donne, vous pouvez cliquer dessus pour le voir plus grand.

Partez du principe que vous pouvez choisir toutes les notes disponibles dans la position, une par corde, avec la possibilité d’une extension dans le grave ou l’aigu (avec le premier ou le quatrième doigt) — une extension veut dire jouer une note un ton environ en dessous ou au-dessus de la tessiture de la position qui, je vous le rappelle, est d’une quarte sur chaque corde.

Par exemple, isolons la troisième position.

Vous pouvez donc utiliser do/ré/mi/fa sur la corde de sol, sol/la/si/do sur la corde de ré, ré/mi/fa/sol sur la et la/si/do/ré sur mi, et éventuellement vous aventurer vers un si sur la corde de sol (2nde position) ou un mi sur la corde de mi (4ème position).

Nous avons un doigté commun pour chacune des colonnes :

Vous pouvez donc choisir une note par doigté et par corde.

Vous pouvez écrire une quinte (et comme les deux notes sont en face l’une de l’autre, on les jouera avec le même doigt) sur deux cordes voisines :

Par contre c’est presqu’impossible sur deux cordes éloignées : malheureusement nos doigts n’ont pas le don d’ubiquité : ils ne peuvent pas être à deux endroits en même temps !

Pour la même raison, il est quasi impossible de jouer au violon un accord de quintes superposées (à l’exception des cordes à vides), l’angle que forme la main avec le manche ne nous permettant pas de poser le doigt à plat perpendiculairement à la corde, comme pourrait le faire un guitariste ou un violoncelliste.

N’oubliez pas que, comme pour les doubles cordes, l’emploi des cordes à vide est possible dans n’importe quelle position, et que vous pouvez vous permettre de dépasser d’une note ou deux au-delà de la position avec le premier ou le quatrième doigt.

Bien sûr, tout cela est très restrictif, et je schématise tellement que ça en est presque ridicule : dans la pratique, on a tout de même plus de latitude ! En cas de doute, c’est à voir avec un violoniste, au cas par cas : mais ce petit tableau devrait vous permettre de débuter sur une base « faisable ».

Addendum :
Philippe Manoury (si vous ne connaissez pas encore ce merveilleux compositeur, c’est ICI) a eu la gentillesse de m’indiquer l’existence d’un outil très astucieux pour construire des accords « jouables ». Il s’agit de bandes de papier plastifié, vendues en rouleau que vous devrez coller sur un carton rigide, indiquant tous les doigtés des instruments du quatuor à cordes. Vous pourrez donc vous rendre compte « en vrai » de la faisabilité de vos accords (mais faites bien attention à l’utiliser correctement — à positionner le carton dans le bon angle par rapport à votre main !)

Cet outil, appelé « stringograph », est en vente sur le site de l’inventeur dantalian.com, pour la somme modique de 5$. Les notes y sont indiquées selon le système anglo-saxon. Si vous voulez en savoir plus, c’est ICI

Due à la courbure du chevalet,

la prise de son naturelle d’un accord au violon est légèrement arpégée. Il est toutefois possible d’obtenir un accord « plaqué » (surtout de trois sons, c’est plus compliqué avec quatre) en déplaçant légèrement l’archet vers la touche — autrement dit en jouant tasto — car cette courbure s’estompe au fur et à mesure que l’on s’approche du sillet : tout en bas de la touche, en première position, les cordes sont à la même hauteur. Mais le son de l’accord sera de ce fait moins brillant ! Pour cette même raison, lors d’un accord long, il sera impossible de garder toutes les notes durant la totalité de la valeur.

Cet accord :

sonnera :

(on peut bien sur « resserrer » le rythme, mais vous voyez ce que je veux dire !)

Même chose pour le tremolo : on n’effectuera celui-ci que sur les deux dernières notes de l’accord au maximum :

Il est IMPOSSIBLE de plaquer un accord ponticello. Bon, je sais que j’ai dit dans un autre article que je ne disais jamais « jamais ». Mais ici, la pression et la force nécessaire pour aplatir les cordes près du chevalet serait suffisante pour briser celui-ci : je fixe la limite à la destruction de mon matériel !

Naturellement, un violoniste jouera un accord de bas en haut. Il est également possible de le jouer dans l’autre sens, si vous souhaitez que les dernières notes entendues soient les basses. Dans ce cas, il est d’usage de l’indiquer par une flèche descendante à la gauche de l’accord.

Enfin, dans un contexte mélodique, il est possible de maintenir liée une des notes intermédiaires de l’accord en faisant un mouvement d’aller-retour : tout l’accord du bas en haut puis de haut en bas jusqu’à la note intermédiaire désirée.


Depuis le début du XXe siècle, on trouve, notamment chez Bartok et Ysaÿe, des accords de plus de 4 sons. Il s’agit en fait de « tricher » en ajoutant une appogiature d’une ou plusieurs notes.

La résultante est très proche de ce que l’on obtiendrait si l’on ajoutait deux cordes de plus à un violon et qu’on jouait un accord de six sons !

LA VÉLOCITÉ


Encore une question que l’on me pose souvent ! Jusqu’à quelle vitesse peut-on jouer ?

Eh bien, je ne vais pas vous étonner, ça dépend.

Tout d’abord, du violoniste. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, tous les instrumentistes n’ont pas les mêmes capacités techniques, et puis, on a tous nos points forts et nos points faibles !

Mais disons que vous vous adressez à un bon violoniste professionnel : pas Paganini, mais nettement plus avancé que votre petit neveu !

Eh bien, là encore, ça dépend. Mais de vous.

Je m’explique :

La vélocité maximale va dépendre :

  • Du type de coup d’archet : détaché ou lié ?

On sera toujours plus véloce légato que détaché.

  • Du « voisinage » des notes : notes conjointes, disjointes, très disjointes ?

Plus les notes sont éloignées, moins il sera possible de jouer vite. Démancher entre la troisième et la dixième position nécessite un peu de temps.

  • De la fréquence des changements de cordes.

De la même façon, changer de corde prend du temps (quand je parle de temps, je suis à la milliseconde n’est-ce pas ? je ne parle pas d’aller boire un café !), encore plus s’il s’agit de deux cordes non adjacentes.

  • De la longueur de votre trait.

Eh oui, en jouant très vite, on se fatigue très vite.

Donc je vais parler en « moyenne » (bien que je n’aime pas trop cela)

Pour un trait en détaché avec des notes assez conjointes, des changements de cordes pas trop fréquents, et d’une durée pas trop longue, vous pouvez imaginer un tempo tournant aux alentours de 150 à la noire maximum, en imaginant que votre trait est en double croche : donc d’une vélocité « à la note » de 600 (150×4).

Pour le même trait mais lié, 180 à la noire me semble être une bonne limite : 720 à la note donc.

(Pour info, la célèbre pièce « Le vol du bourdon » tourne aux alentours de 680 à la note, c’est long et détaché mais les notes sont très conjointes et les changements de cordes sont peu fréquents.)

A partir de là, à vous d’adapter votre tempo selon que vous ajoutez ou enlevez des difficultés ! Et surtout, faites confiance à votre interprète. La notion de vitesse est très relative : la vitesse « ressentie » peut-être différente de la vitesse réelle, selon tout un panel de circonstances — acoustique, vitesse précédente, maîtrise de l’interprète etc… (un peu comme à la météo, vous savez ? vous avez la température et la température ressentie, qui prend en compte le vent, l’humidité… Bah là c’est pareil !) — et il ne faut pas oublier que, comme tout le reste, la vitesse est aussi un élément émotionnel. Donc levez le nez du métronome, n’attendez pas à ce que cela sonne exactement comme le playback de votre éditeur de partition (c’est un ordinateur), et laissez-vous ressentir la vitesse !


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